Voici le tombereau découvert lors de ma balade dominicale à VTT. Comme la 203, il est révélateur d'une autre époque. C'était le véhicule de nos grand-parents. Attelé à une paire de vaches, on le chargeait de bois, de paille , de foin, de topinambours...Je me souviens que dans les années 60, mon oncle et ma tante de Corrèze me hissaient à bord du leur. J'étais fou de joie. Peu m'importait qu'il fallût quatre heures pour parcourir les neuf cent mètres qui nous séparaient du village voisin (j'exagère un petit peu). Perché sur le tombereau lui même perché sur ses roues immenses, je contemplais, émerveillé, les monts et les puys environnants, nous avancions au pas lent de la Banou et de la Brijou, superbes vaches limousines qui obéissaient à la voix (elles comprenaient le patois). A l'approche d'un autre attelage ou de silhouettes humaines, elles s'immobilisaient, conscientes qu'elles étaient qu'une conversation allait s'engager. De là-haut, j'exultais. Je pensais que depuis Astérix, peu de choses avaient changé, finalement. Et je revoyais en mémoire mes héros préférés à bord de leur tombereau, aiguillonnant leurs boeufs dans l'album "le tour de Gaule" publié quelques années auparavant (en 1965).  Le passé embellit parfois le présent...

Lors d'une sortie à VTT dimanche, je suis passé à côté d'une propriété agricole dans laquelle le temps semblait s'être arrêté. En bordure de route, un tombereau, le timon relevé, semblait avoir été dételé d'une paire de vaches limousines, il y avait quelques minutes, seulement. Plus loin, une 203 commerciale trônait au milieu d'un pré. Ici etlà des objets agricoles d'une autre époque, celle au cours de laquelle les vaches portaient des prénoms. Dès le lendemain, je m'ouvris de ma découverte à mon ami René Gilabert, photographe/sculpteur/peintre/guitariste/éditeur et tant d'autres choses encore. Malgré le temps maussade, son oeil se mit à briller. "On y va!" lâcha t'il d'un ton sans appel. Il m'emboita le pas, son gros appareil à la main (je fais référence à son matériel photographique), nous arrivâmes bientôt (il y a beaucoup d'accents circonflexes décidément sur ce billet) à l'endroit décrit par moi avec emphase. Après nous être présentés à la maîtresse de céans, et avoir obtenu son autorisation de photographier, nous nous sommes dirigés vers les sujets convoités. René, campé sur ses longues jambes se mit à mitrailler autour de lui. Lorsqu'il m'a envoyé ses photos, j'ai eu la confirmation que ce mec est un artiste. Il m'a montré ce que mon coeur avait vu. Imaginez sur un même plan : un objectif, un oeil, un cerveau et un coeur, et vous obtiendrez une oeuvre de René Gilabert. La 203 commerciale ci-dessus avachie, à l'agonie, en train de flancher semble nous sourire tristement, comme pour s'excuser d'être encore là. Sa carrosserie délicieusement désuette en état d'oxydation avancé est élevée au rang d'oeuvre d'art grâce aux contrastes très précis du noir et blanc. René ferait le portrait d'un chien en train de faire caca, il arriverait à nous émouvoir... Sacré René Gilabert!